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Femmes en milieu rural

Ecriture contrainte et illégitime à la fois. Je sais fort peu de la vie en zone rurale. Expérience idyllique de famille en vacances, avec des amis qui dégringolent le montagne pour vous visiter dans votre petit paradis.. Mais toujours aussi, depuis 30 ans et plus, en moi et en personne d’autre de la famille, cette envie d’être là davantage, en dehors des plages bénies de l’été, dans la bouillasse et les journées trop courtes… pourquoi ? par curiosité ? par attirance vraie pour la campagne ? par masochisme ?

Je perçois mal les inconvénients, pourtant rationnellement évidents, de la vie en rural. Mon seul vécu personnel : l’omniprésence de la voiture. Impression qu’il faut se contraindre pour parvenir à mettre un pied devant l’autre alors que l’environnement devrait nous y inviter. Alors qu’en ville, à condition de disposer d’un peu de temps ou de bien vouloir le prendre, les distances permettent davantage la marche fonctionnelle. Possibilité de s’installer dans un bourg pour échapper un peu à la bagnole ? Mais supporterais-je la proximité des regards constants sur ma différence ? Depuis notre arrivée à Loqueffret, deux femmes jeunes, leur vie collective dans un grenier sur lits de fougères, leurs fêtes bruyantes, nous sommes parvenues à nous faire admettre (à peu près !) grâce à notre isolement. La vox populi a sans doute imaginé mille et une turpitudes à Pratuigou, mais n’en a pas même reçu le début d’une écume. Rôle important aussi de Jeanne l’épicière, personnage incontournable du bourg, à la fois catholique irréprochable, vieille fille travailleuse et grande gueule parfois provocatrice, qui nous a donné son amitié dès les premières années.

Il y a rupture nette, me semble-t-il, dans les représentations et les vécus, entre les femmes nées hors les murs » et les natives. Sur les natives, même lorsqu’elles repoussent les parois du carcan, même lorsqu’elles agissent, il continue de peser le poids très fort de l’immobilisme et du jugement d’autrui. je les sens constamment en ré-action, en bataille, parfois gagnée, souvent perdue. Je n’ai pas encore rencontré – mais je connais peu de gens dans les Monts d’Arrée – de femme née sur place qui me donne une image optimiste de la condition féminine dans son milieu.

En revanche celles qui ont choisi d’être là et maintenant celles, plus jeunes, dont les parents ont choisi le rural et qui n’ont pas résolument rejeté ce choix, me semblent naviguer dans des réseaux de socialisation qui les satisfont et ne les emprisonnent pas vraiment. Mais peut-être se produit-il pour les « néorurales » le phénomène que j’ai souvent constaté chez les Français résidant à l’étranger, même lorsqu’ils s’intègrent au pays d’accueil : l’émancipation des liens familiaux d’origine qui entraîne de la disponibilité affective, l’acceptation de l’autre facilitée par la proximité des projets, le sentiment partagé de sa différence avec les gens du coin, des hostilités possibles de leur part, qui conduit à se serrer les coudes. Les conditions de vie en zone rurale, avec la nécessité d’entraide et d’organisation pour accéder à l’éducation, aux loisirs, aux services, produisent énormément de lien social, mais peut-être bien surtout, ou exclusivement ? dans le groupe des non natifs justement ?

C’est la construction de ce lien social qui me fascine. Et l’installation de RSE à Huelgoat vient confirmer ce ressenti. On y constate à la fois la difficulté à toucher la majorité des femmes et la rapidité avec laquelle une petite minorité s’informe et s’investit. Le danger est certainement de se satisfaire de cette ébullition rapide … et nécessairement limitée. Et d’oublier la nécessité que le « noyau dur » de Rien sans elles comporte d’emblée à la fois des femmes natives et non natives, à la fois ces deux regards si profondément différents, me semble-t-il, sur la condition féminine, qui en se croisant vont permettre l’enrichissement réciproque et éviter la clôture sur l’entre-soi.
Annette

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