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Bilan Atelier écriture
Femme en milieu rural - 5 novembre 2005
L'écriture individuelle
Six femmes avaient écrit un premier texte répondant
à la question " C'est quoi pour toi être femme
en milieu rural ? " avant notre rencontre.
Pour enrichir la production du groupe, nous avons consacré
le premier temps de la rencontre à une écriture individuelle,
que nous ayons ou non déjà rédigé un
texte. Ce qui nous permet de disposer de 14 textes en tout.
Pour aider éventuellement au déblocage de l'écriture,
Annette avait établi un listing de plusieurs dizaines de
mots repris des textes déjà réalisés
et susceptibles de faire déclencheur. Deux d'entre nous -Jacqueline
et Clotilde - ont choisi pour leur seconde production de jouer au
jeu de la réutilisation d'une bonne partie de cette liste
de mots proposés. Ce qui donne une tonalité fort différente
à leurs textes (lire à haute voix le texte de Clotilde,
construit sur un jeu de sonorités)
Le travail d'atelier
Par groupes de 3 ou 4, nous avons lu ensemble un groupe de textes,
en les commentant et en ouvrant l'échange et le débat
à partir de ces lectures. Puis nous avons réalisé
collectivement la lecture à haute voix de l'ensemble des
textes et enfin chaque groupe a transmis aux deux autres la synthèse
des choses écrites et dites.
La synthèse des textes
Remarque initiale : la tendance des textes est plutôt à
la noirceur . Etre femme en milieu rural serait quelque chose de
difficile, de douloureux, pour la plupart des femmes présentes
. La synthèse des 14 textes qui suit n'est nullement quantitative
; Elle se contente d'essayer de laisser trace de la totalité
des idées exprimées par les textes ou par les échanges
qui en ont découlé .Toutes ces idées peuvent
nous servir à la fois de phrases-choc et de pistes pour un
travail approfondi à venir sur la vie des femmes en milieu
rural. Et la relecture des textes nous permettra d'enrichir une
expression devenue schématique à force d'être
condensée
· 1.Une nature proche
C'est un des éléments toujours présentés
positivement : sensation d'espace, beauté des paysages, présence
des arbres, des fleurs. La vie est moins sédentaire qu'en
ville, donne l'occasion de marcher et l'on ne craint pas de se promener
même seule.
la nature procure des sensations physiques fortes, froid, chaud,
odeurs, peurs, et fait de la maison un cocon où l'on se sent
protégé du monde. L'animal domestique trouve sa fonction
de gardiennage. Et les enfants vivent plus librement, entre garçons
et filles.
La tenue vestimentaire est adaptée à la vie rurale.
Mais la femme travaillant dans l'agriculture ou l'élevage
se retrouve à devoir changer de vêtements sans arrêt,
chaque fois qu'elle doit se rendre à l'école des enfants.
De façon générale, l'habillement est plus simple,
moins sophistiqué qu'en ville. On est moins dans l'image.
mais du coup la femme qui tente de bien s'habiller passe pour une
superficielle. Et le décolleté ou la minijupe ont
une connotation sexuelle immédiate.
· 2.Un quotidien compliqué
L'habitat en zone rurale permet souvent de disposer de plus d'espace
dans les maisons mais, du fait de sa dispersion, conduit à
l'isolement. La personne âgée doit choisir entre être
isolée et abandonner sa maison pour se rapprocher des autres.
La voiture est constamment indispensable aux déplacements.
Le bourg offre peu de services. En l'absence de transports en commun,
l'accès aux services (médecin, pharmacie, enseignement,
, banque etc..), situés en ville, pose problème :
coût supplémentaire lié aux déplacements
; prix de pension pour les enfants, autonomie moindre des jeunes.
Et alors que les salaires sont bas en campagne, finalement on ne
la quitte pas parce qu'on n'en a souvent pas les moyens : vendre
la maison difficilement acquise ne permettrait pas l'installation
en ville.
Ces complications secrètent cependant du positif. Solidarité
d'une part entre les personnes se connaissant de longue date et
s'organisant entre elles. D'autre part la gymnastique mentale qu'impose
l'organisation du quotidien est certes une énorme contrainte
pour les femmes ,sur qui elle repose, mais leur apprend à
fortement " gigoter dans leur tête ".
En ce qui concerne la culture et les loisirs, le milieu rural est
assez désertique. Les femmes se tournent, par la force des
choses, vers des loisirs possibles en solitaire, lecture, musique.
Les familles n'arrivent pas à offrir à leurs enfants
les ouvertures culturelles souhaitées. Les choses ont cependant
progressé ces dernières années. Sans doute
justement parce que la pénurie pousse à l'inventivité.
D'autre part la seule ouverture possible passe par le bénévolat
associatif, activité finalement plus créative que
la consommation de loisirs permise par la ville. A souligner : les
femmes sont très investies dans l'associatif au travers de
la scolarisation de proximité de leurs enfants et s'en retirent
ensuite.
· 3. Des relations humaines contradictoires
Les communautés humaines rurales sont peu nombreuses. Il
en résulte une difficulté à rencontrer des
gens suffisamment semblables à soi pour vous comprendre.
Même les enfants étouffent vite dans un collège
rural où ils fréquentent le même groupe réduit
de camarades depuis la maternelle. Et le regard d'autrui pèse
en permanence sur toute manifestation de la différence. Il
est impossible de se fondre dans la masse. Toutes les traditions
pèsent sur la femme plus qu'ailleurs : la religion, la famille
" piège ", les enfants qui sont comme" des
pieux qui attachent ". Les femmes obéissent à
une loi sociale qui leur commande de se sacrifier, de plier, de
s'effacer. Peu d'hommes intellectuels, donc un état d'esprit
massivement macho. Et pour sortir de ce carcan, c'est aussi contre
les autres femmes qu'une femme doit se battre. Mais cette taille
réduite des communautés a aussi ses avantages. Tout
d'abord elle conduit à valoriser sa vie intérieure,
à se retourner vers l'intime. Ensuite, au lieu qu'en ville
on s'enferme vite dans son milieu socio-économique, en zone
rurale on est obligé de tenir compte de ses voisins, aussi
différents de soi qu'ils puissent être. Une mixité
sociale et intergénérationnelle qui enrichit et fait
travailler l'humilité.
Ceci dit il semble bien qu'il y ait des différences de vécu
et de perception entre les femmes " néo-rurales "
et les " natives ". L'immobilisme pèse fortement
surtout sur les secondes et les premières ont peut-être
un peu tendance à fonctionner dans l'entre-soi. Cette différence
se renforce au travers de la pyramide des âges inversée.
Les gens âgés sont de loin les plus nombreux en campagne
et ce sont des natifs. Ils ont tendance à dire aux autres
" De toute façon tu ne comprendras rien ". Cette
supériorité numérique des personnes âgées
qui n'évoluent pas accentue l'immobilisme et implique aussi
que tout dans la commune soit fait pour elles, rien ou peu pour
les jeunes. Les jeunes doivent partir pour travailler et ne sont
plus là pour une aide inter-générationnelle.
En ce qui concerne les rencontres, les lieux existants ne concernent
que les hommes, terrain de sports, bistrots. Les femmes n'en ont
pas. et sont regardées de travers quand elles entrent dans
les lieux masculins. Au bout du compte, le monde rural : une monde
de convivialité ou pas ? Il arrive qu'on croie à la
sympathie et qu'on trouve l'hostilité. La convivialité
est importante en tout cas pour ses habitants. Au point d'empêcher
souvent les vrais débats, qui risqueraient de rompre cette
convivialité dont tout le monde a besoin.
Pour terminer, les " néo " insistent sur une affirmation
: pour résister en milieur rural, il faut avoir un caractère
bien trempé … ou être particulièrement
soumis. Et considérer que le sens profond de la vie est ailleurs
que dans la consommation …
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